La Joroterapia, c’est un accompagnement, une démarche anthropologique pratique, c’est-à-dire qu’elle fait appel à tous les domaines de la vie qui peuvent affecter et être affectés par la maladie : physique, psychique, culturelle, spirituelle, etc. Elle est multi et transdisciplinaire, explore les éléments non apaisés de son histoire et les émotions correspondantes en tenant compte des représentations dictées par d’autres logiques que médicales. Elle aborde la personne en tant qu’être de lien et emprunte le langage symbolique, en s’appuyant sur tout ce que les êtres humains ont en commun.

Compte tenu de la complexité de tout ce qui touche à l’Humanité, elle nécessite un changement de paradigmes par rapport à la science biomédicale. Elle élabore une coconstruction entre le demandeur de soin et l’accompagnateur. Pour ce faire, elle se pratique dans la complémentarité, revendique la différence et l’équivalence entre demandeur de soin et soignant, et instaure un espace sans jugement. Elle agit en complément de la pratique biomédicale sans s’opposer à elle, d’où sa désignation d’Anthropomédecine pratique.

Joroterapia est un néologisme malgache qui contient 3 racines : « joro », racine du verbe « mijoro » qui signifie en malgache « se lever, se mettre debout », « tera » qui signifie « né de » et enfin, « pia » correspond aux douleurs des tranchées, lorsque l’utérus se contracte après l’accouchement pour arrêter le saignement et en vue de retrouver son volume. Le tout véhicule l’idée de se relever et de renaître après un coup dur de la vie. Cette renaissance symbolique correspond au nouveau vécu que la personne a d’elle-même et de son histoire après avoir effectué la démarche, vu que l’on ne peut pas changer l’histoire. Nos liens familiaux s’embrouillent après la mort d’un proche sans que les raisons nous soient claires, les réponses aux questions se trouvent souvent dans notre histoire, et les solutions résident dans notre capacité à remettre de l’ordre.

La Joroterapia est une discipline alliant médecine conventionnelle et anthropologie. Créée par Alice Pélerin, médecin généraliste et anthropologue, elle fut validée par une soutenance de thèse intitulée «Joroterapia : soigner avec la quête de sens », à l’Université de la Réunion en septembre 2018.

– Quand la personne présente des troubles et que les outils de la biomédecine n’apportent ni explication ni solution
– Quand la personne présente de grosses perturbations dans sa vie, retentissant sur son entourage, sa vie sociale, sa santé physique, psychique ou spirituelle
– Quand une personne souffrant d’une pathologie chronique, habituellement équilibrée par un traitement, présente soudain un déséquilibre de cette pathologie sans une cause évidente.
– Quand la personne est confrontée à une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital.
– Pour son développement personnel et se mettre à la direction de sa vie.
– Quand la personne n’attribue aucun sens ou un sens très péjoratif aux troubles qu’il présente, notamment, une étiologie surnaturelle, paranormale.

L’objectif de la Joroterapia est d’accompagner la personne à attribuer un sens, le plus confortable possible, de ses troubles, et aussi, de faire la paix avec ses émotions en rapport avec des éléments non apaisés de son histoire.

Originaire de Madagascar, j’exerce la médecine générale dans la ville du Port à l’île de La Réunion depuis 1990. J’ai enrichi ma pratique avec un diplôme universitaire de Victimologie en 2002-2003, et un autre d’Ethnomédecine en 2012-2014.

En 2008, pour mes 50 ans, j’ai effectué à pied la traversée de mon île natale, du Nord au Sud. J’ai eu l’occasion de soigner des personnes à « mains nues », en écoutant leurs seules histoires, et j’ai constatées que cela les a soulagées, parfois guéries. J’ai ainsi réalisé que la maladie avait une partie organique dont la biomédecine se préoccupe, et une autre, symbolique qui relève de l’histoire, des émotions et des liens. Cette marche initiatique m’a plongée au cœur de cette culture malgache qui m’a façonnée, et a changé ma vision des choses. À mon retour, cela a modifié ma pratique des soins.

C’est ainsi que j’ai passé le Diplôme Universitaire d’Ethnomédecine et entamé une thèse d’anthropologie médicale pour asseoir les bases scientifiques de ma démarche thérapeutique afin de la légitimer et la transmettre. Cette thèse s’intitule : « Joroterapia. Soigner avec la quête de sens ». Elle a été soutenue le 10 septembre 2018 à l’Université du Moufia à St Denis de La Réunion.

À l’heure actuelle, j’exerce toujours comme médecin généraliste et je pratique la Joroterapia en complément. Je suis enseignante vacataire au DU d’Ethnomédecine. Je travaille aussi aux Centres Pénitentiaires de Domenjod et du Port dans un programme intitulé « Soigner son histoire » pour la prévention des récidives